Défait à Fulham le 16 mars, Tottenham aborde son déplacement à Chelsea orphelin de toute confiance. Arrivé en 2023, Ange Postecoglou vit sans doute ses dernières heures sur le banc des Spurs, 14ᵉ de Premier League. Ce jeudi, le derby londonien ressemble à la dernière danse d’un chef d’orchestre à bout de souffle.
D’une finale de Ligue des champions à la relégation en l’espace de six ans ? Cette trajectoire improbable est pourtant plus plausible que jamais. En 2019, les coéquipiers de Heung-Min Son rêvent d’une première Coupe aux grandes oreilles. En 2025, intégrer la première partie de tableau à neuf journées de la fin serait déjà une prouesse. Une situation impensable il y a quelques mois.
Postecoglou ou le mirage londonien
Automne 2023, Tottenham s’accroche solidement à la première place du classement de Premier League. Les débuts canons d’Ange Postecoglou sur le banc des Lilywhites annihilent même la puissance de feu d’Arsenal. Tenus en échec à l’Emirates le 24 septembre (2-2), les Gunners craignent de voir le titre leur filer à nouveau entre les mains. Mais cette crainte se dissipe rapidement dans le brouillard londonien.
Tottenham termine l’exercice 2023-2024 à la cinquième place et, même délivré de la « malédiction d’Harry Kane », le club enregistre une nouvelle saison blanche. Un an après son arrivée sur le banc des Spurs, Ange Postecoglou est impuissant face à cette pénurie de trophées. Pour la 16ᵉ année consécutive, les ex-pensionnaires de White Hart Lane finissent la saison bredouilles.
Pas une fatalité pour le technicien grec, qui avait temporisé au micro de Sky Sports en septembre 2024. « Je ne gagne généralement pas de titres ; je gagne toujours des titres lors de ma deuxième année. Rien n’a changé. ». Six mois plus tard, rien n’a effectivement changé. Tottenham est éliminé des coupes anglaises. Pire, la formation pointe à la 14ᵉ place du classement en Premier League.
Des Spurs démembrés
Le football va vite, dans un sens comme dans l’autre. L’ascenseur émotionnel qu’ont emprunté les supporters des Spurs ces 18 derniers mois le prouve bien. Désormais bloqués au 14ᵉ étage, les partenaires de Mathys Tel peinent à remonter la pente. Débarqué au mercato hivernal pour renforcer une attaque décimée par les blessures, l’international espoir français symbolise un secteur offensif irrégulier. Muet en PL comme en Europe depuis son arrivée, l’ex-Rennais s’inscrit tristement dans une dynamique collective fragile.
Devant comme derrière, les leaders perdent le cap. Meilleur buteur du club cette saison (14), le Gallois Brennan Johnson efface un Heung-Min Son discret. Avec 11 buts, le Coréen réalise son plus mauvais total en neuf ans. Dans l’entrejeu, l’irrégularité d’Yves Bissouma et de James Maddison oblige Postecoglou à expérimenter, en vain. Lucas Bergvall comme Archie Gray, tantôt défenseurs, tantôt milieux, personnifient cette approche tactique hésitante.
Postecoglou a perdu ses ailes, mais le mal qui frappe Tottenham le dépasse. Ange déchu aux portes de l’enfer, il guide ses hommes à travers les limbes d’une hécatombe médicale. Cette semaine, face aux Blues, Angelos devra encore improviser. Danso, Drăgușin, Richarlison et Kulusevski sont les derniers damnés d’une infirmerie qui refuse de libérer ses pensionnaires. Des cadres désincarnés, des blessures démultipliées et un effectif démembré sont les trois effluves d’un même parfum : celui du déclin.
L’Europe comme ultime espoir pour Tottenham
Souvent charrié pour son palmarès, Tottenham frôle désormais des abîmes rarement explorées. Ironie du sort, il faut remonter à la dernière saison titrée du club (2007-2008) pour voir les Spurs éjectés du top 10. Clin d’œil du destin ou simple coïncidence : la formation d’Ange Postecoglou est toujours engagée en Europa League. Favoris aux côtés de Manchester United, leur compère du ventre mou, les Spurs devront toutefois surveiller attentivement l’Athletic Bilbao.
Pour Tottenham, aller au bout serait synonyme d’échappatoire à un désastre sportif inédit. Remporter un premier titre en 16 ans qualifierait le club pour la prochaine Ligue des champions. Compensant l’impossibilité actuelle de prétendre à la C1, soulever l’Europa League effacerait aussi un exercice domestique catastrophique. Quoi qu’il arrive, l’Europe demeure l’ultime issue pour ensoleiller un ciel londonien jusqu’ici bien morose. Avec ou sans Postecoglou aux commandes, Heung-Min Son devra assumer son capitanat et éviter le naufrage.