En mars 2023, Didier Deschamps décide d’attribuer le brassard de capitaine à Kylian Mbappé, au grand dam d’Antoine Griezmann. Cette décision implique une rupture drastique dans la perception du capitanat en Équipe de France. Une décision qui fait débat suite aux dernières déclarations de Kylian Mbappé dans Clique. Au delà de l’ex-parisien, le rôle du capitaine est protéiforme, il est donc intéressant de s’interroger sur sa légitimité.
Mbappé, un capitaine désinvolte
Le choix de Didier Deschamps de nommer Mbappé capitaine, n’a jamais vraiment convaincu. Il semble que le sélectionneur des Bleus soit amené à le reconsidérer. Représentant des Bleus depuis début 2023, Kylian Mbappé donne l’impression de subir le poids du brassard.
« Je n’ai pas le même brassard qu’Hugo. Moi, on me demande beaucoup de choses. C’est une responsabilité. On me demande un autre métier par rapport à Hugo. (…) J’étais là, je voyais bien. »
Il assure ne pas avoir fait le forcing pour hériter du capitanat. « Il (Didier Deschamps) m’a dit : « Ça te ferait quoi d’être capitaine de l’équipe de France ? » Ça ne me changerait pas ma vie. Ce serait un honneur. Tu me le donnes, je suis super heureux, tu ne me le donnes pas, tu ne me le donnes pas. Je n’aurais rien retourné s’il ne me l’avait pas donné. »
Étonnant choix de Deschamps donc, selon les dires de l’ancien joueur du PSG. Donner le brassard à la jeune star de l’équipe, qui éprouve une certaine indifférence vis-à-vis de cette distinction… Et en priver son homme clé depuis 2016 et légende des Bleus, à qui ce rôle tenait beaucoup à cœur.
Un abandon du brassard dès mars ?
Antoine Griezmann pourrait l’avoir d’autant plus mauvaise que, de manière assez ironique, Mbappé pourrait renoncer au brassard seulement quelques mois après sa retraite internationale.
« C’est à Kylian d’évoquer ce sujet avec Didier (Deschamps), explique Philippe Diallo. On a un prochain rassemblement en mars 2025, le quart de finale de la Ligue des Nations (contre la Croatie). Il est nécessaire qu’il y ait un nouvel échange entre lui et Didier Deschamps pour qu’ils ajustent son rôle de capitaine. Être capitaine de l’équipe de France, c’est un honneur. Il ne faut pas que cela devienne une question. Il faut qu’à travers le dialogue entre le sélectionneur et Kylian, il y ait des ajustements et si besoin, je viendrai avec eux compléter leurs échanges. »
De A à Z, Didier Deschamps semble donc avoir eu tout faux. Le prix à payer fut donc la retraite de son métronome légendaire, Antoine Griezmann, en octobre. Contrairement à son compatriote dans la tourmente, lui s’éclate du côté de Madrid.
La légitimité du modèle espagnol du capitanat
En Espagne, la tradition pour le rôle de capitaine repose sur l’ancienneté plutôt que sur des critères purement liés à la performance. Autrement dit, le joueur ayant passé le plus de temps dans l’équipe en termes de saisons consécutives devient généralement capitaine. C’est le cas de Sergio Ramos au Real, de Messi à Barcelone qui ont hérité du brassard grâce à leur longévité. Une hiérarchie claire existe : si le capitaine principal est absent, c’est le joueur suivant en ancienneté qui prend le relais.
Par exemple, cette saison, lorsque Luka Modric n’est pas titulaire, c’est Lucas Vázquez qui hérite de cette responsabilité. L’ancienneté est un critère important qui a traditionnellement toujours compté, que ce soit dans le football ou ailleurs. Visiblement, en Équipe de France, ce principe a été bafoué. Ainsi, ce modèle espagnol ou modèle de l’ancienneté jouit d’une légitimité certaine puisque, reposant sur des critères mathématiques, il est rarement contesté.
Si l’on met de côté la hiérarchie définissant l’ordre des vice-capitaines, utiliser l’ancienneté comme critère est une pratique répandue. Elle a permis à nombre de joueurs « moyens » d’être remémorés comme des emblématiques capitaines de leurs clubs. On pense notamment à Mark Noble, qui a guidé les Hammers à plus de 300 reprises, brassard au bras. En France, Loïc Perrin a porté le brassard de capitaine de l’AS Saint-Étienne à 277 reprises en Ligue 1. Cet exemple incarne d’ailleurs un record notable dans le championnat français sur les 20 dernières années.
Un système parfois controversé
Seulement, ce modèle de l’ancienneté trouve sa limite dans la personnalité parfois inattendue du joueur qui hérite du brassard. En effet, adopter une stricte hiérarchie en termes de vécu peut parfois s’avérer incongru au regard de la composition de l’effectif.
Au Real Madrid, un Luka Modric capitaine fait sens en termes de performances, de vécu ou même de poste (milieu). Néanmoins, cette organisation semble parfois plus marginale. Voir un Álvaro Morata capitaine d’une Roja victorieuse à l’Euro cet été a par exemple étonné. Alors que Carvajal, Rodri ou même Nacho auraient pu prétendre au brassard, c’est bien l’ex-Turinois qui a hérité du poste.
Un vice capitaine omniprésent
Au FC Barcelone, si on voit aujourd’hui Raphinha (arrivé en 2022) passer devant un Pedri (au club depuis 2020), ce modèle a longtemps primé. Sergi Roberto personnifie cet aspect parfois controversé du capitanat fondé sur l’ancienneté. Bien souvent le joueur le plus ancien n’est pas un cadre de l’équipe et n’est quasiment jamais titulaire. Ainsi, le voir représenter son équipe n’a pas autant de sens que s’il était systématiquement aligné dans le 11 de départ. Si Marcelo était théoriquement le capitaine du Real Madrid lors de sa dernière saison au club (2021-2022), on se souvient surtout de Karim Benzema. Guidant les Merengue jusqu’au Stade de France avec des scénarios complètement fous en LDC, le vrai capitaine du Real, c’était bien lui. Et pourtant, il n’était que vice-capitaine.
Peu importe la méthode… tant que le choix fait sens
La décision revient avant tout aux coachs. Il peut organiser un vote (comme Luis Enrique au PSG) ou céder à la pression médiatique liée aux caprices d’une star, ce qui n’a jamais été la bonne solution. Opter pour un capitaine plus discret mais bien plus légitime aurait donc dû être le choix de Didier Deschamps en 2023. Aujourd’hui, avec moins de deux ans de mandat restants, il se retrouve face aux conséquences de son erreur. Il peut rappeler Kanté ou essayer de gagner du temps jusqu’à un potentiel retour de Paul Pogba en bleu. Mais ces options tournées vers le passé solutionneront elles le problème actuel ?
Mbappé capitaine, un choix insensé depuis le début
Mbappé doit perdre le brassard, car il n’a aucune légitimité pour le porter. Il y a deux ans déjà, un triplé en finale de Coupe du monde (deux penalties, transparent 78 minutes) ne justifiait aucunement ce choix. Aujourd’hui, non seulement il a confirmé qu’il n’était pas légitime, mais il a prouvé qu’on devait lui retirer le brassard. Volontairement absent du rassemblement d’octobre, fuyant ses responsabilités pendant l’Euro cet été, absent des conférences de presse. Égoïste, égocentrique et arrogant, il incarne tout l’inverse de ce que devrait être un capitaine, surtout en Équipe de France.
« Si je fais ce choix, ce n’est pas pour lui faire plaisir. Il a les qualités pour l’être. »
Ces mots prononcés par DD lors de l’attribution du brassard à l’attaquant du Real sonnent aujourd’hui plus hypocrites que jamais. Si le passé lui a déjà donné tort, l’avenir est toujours entre les mains du sélectionneur des Bleus.